Au cœur du centre-ville du Havre reconstruit par Auguste Perret après les bombardements de 1944 et classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, les façades d’une copropriété sont restaurées dans le respect de l’aspect d’origine.
Dans le centre-ville du Havre (Seine-Maritime), site inscrit au Patrimoine mondial par l’Unesco en 2005, les façades de l’îlot V2 sont en cours de restauration. Le long de l’avenue Foch, au cœur des 133 hectares classés, cet ensemble de quatre bâtiments abritant une centaine de logements en copropriété a été conçu par l’architecte André Blanc en 1949. Il respecte le système constructif voulu par Auguste Perret, chargé de la reconstruction du centre-ville rasé par des bombardements en 1944 : la structure en béton armé est de type “poteaux-dalles” avec une ossature exprimée en façade.
Zone de protection du patrimoine
« À l’intérieur de cette trame en béton apparent de 6,24 m, l’architecte avait la liberté du choix des matériaux de remplissage de la façade », explique Cyril Jamet, au service Urbanisme et Prospectives de la Ville du Havre, chargé de faire appliquer le règlement de sauvegarde de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP). Ce règlement n’impose pas aux maîtres d’ouvrage de réaliser un ravalement mais, lorsqu’ils le font, ce doit être dans le respect de l’état initial.
Association de pierre et de béton
Ici, les soubassements sont réalisés en parement de comblanchien tandis que les élévations sont traitées avec un parement de pierre calcaire de Caen, plus tendre. Chaque étage est souligné par de larges bandeaux en béton bouchardé bordés de listels en béton lisse. Un acrotère en béton bouchardé couronne la toiture-terrasse et les fenêtres et portes-fenêtres sont soulignées d’un encadrement en béton lisse saillant. Enfin, des bas-reliefs ornent les façades et des colonnes en béton bouchardé rythment les entrées.
Corrosion des armatures
Exposées à des conditions climatiques difficiles liées à l’environnement maritime et industriel, les façades de ces immeubles se sont détériorées avec le temps. De nombreux décollements d’éléments de béton sont notamment apparus, provoqués par la corrosion des aciers d’armature. Une restauration de l’ensemble des façades s’avérait nécessaire.
Le cabinet Heuzé, syndic de la copropriété mandaté par le maître d’ouvrage, a fait appel à l’entreprise Marteau pour restaurer ces façades. Les travaux suivis par le syndic en relation avec la mairie du Havre sont réalisés selon les directives de Patrice Pusateri, architecte des Bâtiments de France (Drac de Rouen). L’objectif est une restauration des façades dans le respect de leur état d’origine, à l’identique de la construction achevée en 1955 : même aspect, granulométrie, couleur.
Béton pioché et reconstitué
Les façades ont été sondées par piochage, les fers corrodés ont été mis à nu, sablés et passivés. Lors d’une précédente rénovation des façades, au cours des années 1980, les rives en béton lisse avaient été entoilées pour éviter la chute de morceaux de béton et apporter une protection imperméable. « Sous cette toile en fibre de verre chargée de résine, le diagnostic est difficile », remarque Christophe Klinuski, chef de l’agence de Normandie de l’entreprise Marteau. Tout ce dispositif a dû être déposé. Les bétons endommagés (appuis, rives…) ont été reconstitués au mortier fibré.
« La partie la plus délicate est la reconstitution des bétons bouchardés, note Christophe Klinuski. Plusieurs essais avec différents granulats et liants ont été soumis à l’architecte des Bâtiments du France avant de parvenir à l’aspect d’origine. Sur le chantier, la même équipe de l’entreprise est dédiée au bouchardage pour conserver la même main sur tous les éléments restaurés. La dernière étape de la restauration des bétons armés et bouchardés consiste à imprégner un inhibiteur de corrosion pour assurer la protection des aciers.
Pierre réparée
La pierre calcaire soumise aux différentes pollutions atmosphériques est quant à elle nettoyée par hydro gommage et réparée lorsqu’elle est dégradée : après rabotage de la pierre sur environ 1 cm, un enduit à la chaux est réalisé en deux passes, la première pour l’accroche et la seconde plus fine pour la finition. Puis un rejointoiement au mortier de chaux aérienne est réalisé, avant d’appliquer sur l’ensemble un hydrofuge et un consolidant.
L’ensemble de la restauration sera achevé en septembre prochain.
Le Moniteur - Isabelle Duffaure-Gallais | 19/07/2013
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