Un page se tourne.
L’Hôtel Notre-Dame, dit “pavillon Gordon”, sis aux 13 et 17 rue Philippe Barrey, autrefois rue des Noyers, a connu différents habitants et différentes destinations. Il abritait en 1844, les Gordon, famille du consul d’Uruguay, en fonction à l’époque au Havre. Puis, ce sera le consul du Nicaragua, Émile Bossière, qui viendra s’établir en 1882 dans la demeure, avant que le Père franciscain Deodat ne rachète le pavillon et son mobilier en 1897. Lui et deux membres de sa communauté, les Franciscains Récollets, habitent alors la demeure. Le couvent présente à cette époque un plan en L : une façade donnant sur la rue Philippe Barrey, la seconde ouvrant sur un jardin potager et une vaste étendue de verdure: la campagne en ville (le terrain est d’une superficie de 3600 m2).
Un couvent sans chapelle
Lorsque le Père Deodat rachète, en 1897, l’hôtel particulier de la rue des Noyers, la maison ne dispose pas de chapelle. Les Franciscains improvisent alors en hâte un lieu de prière. Ce n’est qu’en 1899 que le Havrais William Cargill érige la chapelle dite de l’Immaculée Conception car consacrée à la Vierge. La chapelle, la sacristie et la maison seront alors reliées, créant ainsi une unité entre lieu de vie et lieu de culte. C’est aussi la figure mariale qui veillait sur la grotte, installée à l’entrée du jardin, accueillant les fidèles. Cette statue et toutes celles qui habillaient la chapelle ont déserté les lieux : avant démolition, elles ont toutes été déplacées et remisées au Lycée Jeanne d’Arc.
Cargill investi dans la religion catholique
L’architecte havrais qui a, à son actif, la caserne des pompiers Dumé d’Aplemont, mais aussi le Fort Chabrol, a également réalisé le chevet de l’Église Sainte-Anne et la Chapelle des Ursulines du collège des Ormeaux. À la fin du XIXe, l’agitation autour de la religion est forte et la société est divisée. Cargill prend alors sur lui et affiche ses croyances : la chapelle du couvent atteste de son engagement. Épousant les principes de Saint François, le lieu est dépouillé, privilégiant l’enrichissement spirituel au matérialisme. Cet édifice religieux sera prochainement démoli. La statue de l’Immaculée Conception devrait être détachée mais, creusée à même la pierre, elle s’attache à la mémoire du lieu.
Une mémoire du Havre
Disparaîtront les vitraux (réalisés entre 1937 et 1944) représentant Jean Duns Scot, figure des Franciscains Récollets, mais aussi les ex-voto, témoins de l’histoire du Havre. L’un d’eux rappelle qu’une bombe a éclaté au Havre le 5 septembre 1944 et remercie la Vierge pour sa protection. Ce ne seront pas les bombes qui auront eu raison de la chapelle, mais les engins de chantier qui donneront prochainement leurs premiers coups de pelles. La maison, qui hébergea jusqu’en 2012 deux moines de la communauté, a été vendue à un promoteur immobilier. Des immeubles de standing devraient voir le jour sur ces lieux où de nombreux fidèles sont venus se recueillir.
76actu.fr - 01/11/2012